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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

flot toujours montant des bêtles à cataloguer ? Pas tout à fait. Un nom mythologique lui est venu à l’esprit, sonnant bien, et par surcroît non déplacé dans la désignation d’une filandière. L’antique Clotho est la plus jeune des trois Parques ; elle tient la quenouille où se filent nos destinées, quenouille garnie de bourre sauvage en abondance, de quelques brins de soie, et bien rarement d’un maigre fil d’or.

Gracieuse de forme et de costume autant que peut l’être une Araignée, la Clotho des naturalistes est avant tout une filandière de haut talent, et tel est le motif qui lui a valu le nom de l’infernale divinité porteuse de quenouille. Il est fâcheux que l’analogie ne s’étende pas plus loin. La Clotho mythologique, très avare de soie et prodigue de bourre grossière, nous file une rude vie ; la Clotho à huit pattes ne fait usage que de la soie exquise ; elle travaille pour elle, l’autre travaille pour nous, qui n’en valons guère la peine.

Désirons-nous faire sa connaissance ? Sur les pentes rocailleuses que le soleil calcine au pays de l’olivier, retournons les pierres plates, de quelque largeur ; visitons surtout les amas que les bergers dressent pour se faire un siège et surveiller de haut les moutons paissant parmi les lavandes. Ne nous laissons pas décourager ; la Clotho est rare, tous les cantonnements ne lui conviennent pas. Si la bonne fortune sourit enfin à notre persévérance, nous verrons, adhérant à la face inférieure de la pierre soulevée, un édifice d’extérieur fruste, en forme de coupole renversée, du volume à peu près d’une moitié d’orange mandarine. À la surface sont incrustés ou pendillent de menus coquillages, des parcelles de terre, et surtout des insectes desséchés.