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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

laitue qui consolera des horreurs de la fosse aux lions. Les chanteurs semblent insoucieux du terrible voisinage ; ils lancent leur joli couplet, ils broutent leur salade. S’il survient un Scorpion en promenade, ils le regardent ; ils pointent vers lui leurs fines antennes, sans autre signe d’émoi à la venue du monstre passant. Celui-ci, de son côté, recule dès qu’il les aperçoit ; il craint de se compromettre avec ces inconnus. Si, du bout des pinces, il a contact avec l’un d’eux, aussitôt il s’enfuit, pris de frayeur. Un mois les six grillons séjournent chez les fauves, et nul n’en fait cas. C’est trop gros, trop dodu. Intacts et dispos comme à leur entrée en loge, les six patients sont rendus à la liberté.

Je sers des Cloportes, des Glomeris, des Iules, plèbe des rocailles chères au Scorpion ; je fais essai des Asides, des Opâtres, qui, assidus sous les pierres aux lieux mêmes fréquentés du chasseur, pourraient bien être l’habituel gibier ; je présente des Clythres, cueillies sur les broussailles au voisinage des terriers, des Cicindèles capturées sur les sables en plein domaine de mes hôtes ; rien, absolument rien n’est accepté, pour cause d’ingrate enveloppe apparemment.

Où trouverai-je cette bouchée modique, tendre et de haut goût ? Le hasard me la vaut. En mai, j’ai la visite d’un coléoptère à élytres molles, l’Omophlus lepturoïdes, long d’un travers de doigt. Il m’est arrivé brusquement dans l’enclos par essaims. Autour d’une yeuse jaunie de chatons, c’est une nuée tourbillonnante qui vole, s’abat, s’abreuve de sucreries et vaque frénétiquement à ses affaires amoureuses. Cette vie de liesse dure une quinzaine de jours, puis tout disparaît par caravanes allant on ne sait où. En faveur de mes pensionnaires, préle-