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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

vons tribut sur ces nomades, qui me paraissent devoir convenir.

J’ai présumé juste. Après une longue, une très longue attente, j’assiste au repas. Voici que le Scorpion sournoisement s’avance vers l’insecte, immobile sur le sol. Ce n’est pas une chasse, c’est une cueillette. Ni hâte ni lutte ; nul mouvement de la queue, nul usage de l’arme venimeuse. Du bout de ses mains à deux doigts, placidement le Scorpion happe la pièce ; les pinces se replient, ramènent le morceau à la portée de la bouche et l’y maintiennent, les deux à la fois, tant que dure la consommation. Le mangé, plein dévie, se débat entre les mandibules, ce qui déplaît au mangeur, ami des grignotements tranquilles.

Alors le dard s’incurve au-devant de la bouche ; tout doucement il pique, il repique l’insecte et l’immobilise. La mastication reprend tandis que l’aiguillon continue de tapoter, comme si le consommateur s’ingurgitait le morceau à petits coups de fourchette.

Enfin la pièce, patiemment broyée et rebroyée des heures entières, est une pilule aride que l’estomac refuserait ; mais ce résidu est tellement engagé dans le gosier que le repu ne parvient pas toujours à le rejeter de façon directe. Il faut l’intervention des pinces pour l’extirper du défilé buccal. Du bout des doigts, l’une d’elles saisit la pilule, délicatement l’extrait de l’avaloir et la laisse tomber à terre. Le repas est fini ; de longtemps il ne recommencera.

Mieux que les cloches en treillis, la spacieuse enceinte vitrée, pleine d’animation aux heures du crépuscule le soir, est fertile en renseignements sur cette étrange sobriété. En avril et mai, époque par excellence des