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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

C’est une sarabande non dépourvue d’attraits que celle de ces horreurs affolées de liesse. Les uns arrivent de loin ; avec gravité, ils émergent de l’ombre ; soudain, d’un élan rapide et doux pareil à une glissade, ils vont à la foule, dans la lumière. Leur agilité fait songer à des souris trottant menu. On se recherche ; on se fuit précipitamment aussitôt touchés du bout des doigts, comme s’ils s’étaient mutuellement échaudés. D’autres, s’étant un peu roulés avec les camarades, à la hâte détalent, éperdus ; ils se rassurent dans l’ombre et reviennent.

Par moments, vif tumulte : confus amas de pattes qui grouillent, de pinces qui happent, de queues qui se recourbent et choquent, menaçantes ou caressantes, on ne sait au juste. Dans la mêlée ; sous une incidence favorable, des paires de points s’allument et brillent comme des escarboucles. On les prendrait pour des yeux lançant des éclairs ; en réalité, ce sont deux facettes qui, polies en réflecteurs, occupent l’avant de la tête. Tous prennent part à la bagarre, les gros et les petits ; on dirait une bataille à mort, un massacre général, et c’est jeu folâtre. Ainsi se pelotent les jeunes chats. Bientôt le groupe se disloque ; chacun déguerpit un peu de partout sans blessure aucune, sans entorse.

Voici les fuyards de nouveau rassemblés devant la lanterne. Ils passent et repassent, ils s’en vont et reviennent, souvent se rencontrent front contre front. Le plus pressé marche sur le dos de l’autre, qui laisse faire sans autre protestation qu’un mouvement de croupe. L’heure n’est pas aux bourrades ; tout au plus, entre rencontrés s’échange une taloche, c’est-à-dire un coup de la crosse caudale. En leur société, ce choc bénin où la pointe du