Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/33

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Sur ce pied, vous aurez de l’occupation ;
Et vous en trouverez souvent l’occasion.

ALCESTE.

Pas tant que je voudrais ; et, quelque bien qu’on fasse,
C’est peu si d’un bienfait on ne choisit la place.
Mais quand l’homme d’honneur vient pour vous implorer,
Lui refuser la main, c’est se déshonorer :
Et c’est ici surtout, dans cette affaire même,
Que vous allez aider la probité suprême.
Mon avocat m’enflamme ; et, bien que de mon cœur
Je fasse un jugement digne en tout de l’honneur,
Fort au-dessus de moi je tiens cet honnête homme,
D’autant plus élevé que moins on le renomme.
Et quel êtes-vous donc, si ce que j’en ai dit,
Si l’horreur du forfait dont j’ai fait le récit,
Si le péril touchant de l’homme qu’on friponne,
Tout étrangère enfin que nous soit sa personne,
Ne vous émeuvent point, vous laissent endurci
Jusques à refuser le peu qu’il faut ici ?
Car de quoi s’agit-il, Philinte, au bout du compte ?
Qu’un oncle qui vous aime et qui vous a fait comte,
Un oncle homme de bien, qui, j’en suis assuré,
D’une bonne action, pour lui, vous saura gré ;
Que cet oncle, en un mot, fasse, à votre prière,
Un acte généreux, facile et nécessaire ?
Ah ! lorsque je compare à votre grand pouvoir
Cette facilité, le fruit d’un tel devoir,
Je ne saurais, morbleu ! me mettre dans la tête
Que vous puissiez avoir la moindre excuse honnête.
Refusez ; je vous compte avec ces inhumains
Qui d’un bienfait jamais n’ont honoré leurs mains,
Et qui sur cette terre, en leur lâche indolence,
La fatiguent du poids de leur froide existence.

PHILINTE.

De ce feu véhément, unique en ses excès,
N’attendez, n’espérez, Alceste, aucun succès.
Le devoir…

ALCESTE.

Le devoir…Un refus ?