Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/41

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Qu’un avocat ne peut tromper sa confiance ?

ALCESTE, en fureur.

Vous tairez-vous, Philinte ? Ah ! c’en est trop… Grand Dieu !
Allons, il faut mourir, il n’est point de milieu,
Quand on voit ces détours, ces défenses subtiles…
Oh, morbleu !… C’est ici le venin des reptiles…
Quoi ! pour autoriser l’insensibilité,
Blâmer la vertu même en sa sublimité !
Sachez donc…

L’AVOCAT, avec dignité.

Sachez donc…Non, monsieur ; c’est à moi de répondre
Au reproche étonnant qui ne peut me confondre.
Les discours, je le vois, deviendraient superflus ;
Quand on sent bien son cœur, on ne dispute plus ;
Et lorsqu’à cet excès l’esprit peut se méprendre,
On doit se retirer pour n’en pas trop entendre.

(Il sort.)

Scène IX.

ALCESTE, PHILINTE.
PHILINTE, suivant de l’œil et avec dépit l’avocat qui sort.

Qu’est-ce à dire ?… Ce ton… Ces grands airs de vertu…

ALCESTE.

Il fait bien. Vous n’avez que ce qui vous est dû.
Raillez l’homme de bien, aimables gens du monde ;
Il vous reste toujours cette trace profonde,
Ce trait désespérant, qui dans vos cœurs jaloux,
Pour vous humilier, s’enfonce malgré vous.
Adieu. N’attendez pas, Monsieur, que je vous prie.
Je vais voir Éliante ; et son âme attendrie
Deviendra notre appui. Par un lâche conseil,
Plus endurci toujours, à vous-même pareil,
Faites donc échouer cet espoir qui me reste ;
Et comptez bien alors sur la haine d’Alceste.