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POUR QU’ON LISE PLATON

qui joue faux que d’en jouer, celui qui en joue étant ridicule ?

Subir l’injustice vaut mieux que la commettre aussi pour ce qui est de la gloire et de l’honneur. L’injuste, ou n’est jamais considéré, ou n’est considéré qu’un temps. Il est en horreur à ses concitoyens au moment même où il commet l’injustice ou très peu de temps après. Qui voudrait être Anytus et Mélitus à l’heure où nous sommes ? Et même y a-t-il tant de citoyens qui eussent voulu être l’un ou l’autre au moment même où ils triomphaient ? Qui ne préférerait avoir été Socrate ? Qui, au moment même où Socrate mourait, n’était au moins partagé entre l’horreur naturelle qu’on a pour la mort et ce sentiment que le sort de Socrate était plus enviable que celui de ses meurtriers ?

Car c’est quelque chose qu’une belle mort et c’est chose triste qu’une vie souillée par une seule action cruelle et basse.

Et enfin et par conséquent, subir l’injustice vaut mieux que la commettre, même au point de vue de l’intérêt personnel. Il est juste que l’injuste souffre ; mais c’est, aussi, très réel. L’injuste souffre, quoi qu’il en dise aux autres et quoi qu’il en dise même à lui-même, de se sentir stupide et de sentir que sa stupidité ne lui rapporte rien en définitive