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POUR QU’ON LISE PLATON

pas vu, même chose en d’autres mots, mais bonne à dire encore de cette façon-là, qu’il y a deux hommes qui créent la justice, c’est à savoir celui qui la pratique et celui qui veut la détruire. Socrate et Anytus sont créateurs de justice l’un autant que l’autre, l’un en la recevant dans sa maison, l’autre en lui bâtissant un pilori qui lui devient un piédestal ; l’un en la cultivant, l’autre en la persécutant ; tous deux en la faisant éclater.

Seulement l’un fait ce qu’il a dessein de faire et l’autre fait précisément ce qu’il ne veut pas ; d’où il suit que le premier, tout en étant un sage, est un habile, et que l’autre, tout en étant un coquin, est un imbécile.

D’où il faut conclure enfin que, puisque ceux qui pratiquent la justice et aussi ceux qui la persécutent, également la réalisent, il n’y a que la justice qui soit chose réelle.

C’est pour cela qu’il y a un devoir pour les hommes, un devoir auquel ils songent peu, d’ordinaire, auquel vraiment il faut qu’ils s’habituent à songer. Ils ont le devoir, quand ils sont coupables, de rechercher le châtiment, de courir après ou d’aller au-devant de lui. Le châtiment c’est une « médecine de l’âme », une purgation de l’âme, et le malade doit désirer la médecine avec passion, s’il n’est pas absurde.