Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
POUR QU’ON LISE PLATON

qui gouverne selon la justice a autant de peine que l’autre, sinon plus, et par conséquent déploie et prouve et sent tout autant de volonté de puissance. Et de plus il travaille dans l’ordre et pour la réalisation de l’ordre, ce qui est une réalité, tandis que travailler dans le désordre et pour la réalisation du désordre, n’est qu’une négation du réel et en vérité un irréel. L’Illusion qui consiste à croire que l’homme qui domine par la justice ne domine pas lui-même est donc tout à fait une niaiserie.

L’illusion, au contraire, qui consiste à croire que l’homme qui gouverne pour l’injuste a fait quelque chose est, comme nous l’avons prouvé plus haut, une énorme absurdité. L’homme qui gouverne pour l’injuste, d’abord ne gouverne pas ; il est gouverné par ses passions ; et ensuite il travaille incessamment à relever ce qu’il croit abattre et, faisant régner l’injuste, il fait désirer ardemment la justice. C’est, en chassant quelqu’un du palais du gouvernement, lui bâtir un temple. On ne peut pas être plus trompé par soi-même. L’homme qui gouverne pour l’injustice est un homme qui lâche la proie pour l’ombre et qui en se repaissant de l’ombre augmente les forces de sa proie et lui donne une vie nouvelle.

Voila ce que n’ont pas vu les sophistes. Ils n’ont