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POUR QU’ON LISE PLATON

aussi irrationnel, tout au moins c’est aussi peu nécessaire que ceci que l’artiste sorte de l’amoureux. Nous sommes ici, là et plus loin, dans des ordres d’idées trop différents. Cette « échelle » de l’amour à l’art, de l’art à la science et de la science à la philosophie, tout simplement n’existe pas, et si à la rigueur le dernier échelon en est réel, les deux premiers ne le sont aucument et par conséquent il n’est pas à parier qu’on mette le pied sur ce dernier.

Il est peu de théorie qui ne soit vraie par quelque endroit, mais celle-ci me paraît fausse de tout point, ce qui donne suffisamment raison de l’immense vogue dont elle a joui.

Mais il faut dire, pour comprendre pourquoi Platon l’a accueillie, et complaisamment, comme on a vu, dans l’hospitalité de son esprit, d’abord que le Grec, ou plutôt l’Athénien, est tellement amoureux de beauté qu’il a presque besoin qu’on lui dise que l’amour de la beauté est une vertu ou qu’elle mène à en avoir. C’est une réminiscence platonicienne qu’avait Renan quand il disait, en souriant, il est vrai, que « la beauté vaut la vertu », sur quoi Tolstoï s’écriait que c’était là une doctrine « effrayante de stupidité ». Platon lui-même dira cent fois ailleurs qu’il n’y a que la morale qui vaille quelque chose, qui soit une valeur, et il