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POUR QU’ON LISE PLATON

semblera être et il sera vraiment et il a toujours été, en somme, du même côté que Tolstoï. Seulement il est grec, néanmoins, et s’il est très capable de médire de l’art, comme nous le verrons assez, il ne peut pas médire de la beauté elle-même ; et, pour n’en pas médire, il cherche et croit trouver le moyen de la rattacher elle-même à la morale par un détour aussi ingénieux que forcé et par une « échelle » qui est le produit pur et simple de son imagination.

Du reste, comme c’est le pli de son esprit et aussi son dessein ferme de tout rattacher à la morale, voyez un peu son embarras. Les choses qui sont opposées à la morale ou qui n’ont aucun rapport avec elle, il a à la fois la tentation de les écarter, de les proscrire, de les annihiler, de dire qu’elles ne sont rien ; et à la fois la tentation de les rattacher à la morale pour les y absorber et en quelque sorte les y engloutir. Et il cède tantôt à l’une, tantôt à l’autre de ces tentations.

Il dira par exemple que l’art est parfaitement méprisable et que l’homme ne doit s’occuper que de philosophie, et il dira aussi que l’art, pourvu qu’il tende à la morale comme à sa dernière fin, est la chose la plus respectable du monde. Nous verrons cela. Pour ce qui est de la beauté, elle l’a gêné. A la fois il l’aime, comme étant un grec, et il