Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
POUR QU’ON LISE PLATON

jadis a contemplé le plus grand nombre des essences, lorsqu’il aperçoit un visage qui retrace la beauté céleste ou un corps qui lui rappelle par ses formes l’essence de la beauté, sent d’abord comme un frisson et éprouve ses terreurs religieuses d’autrefois ; puis, attachant ses regards sur l’objet aimable, il le respecte comme un Dieu et, s’il ne craignait pas de voir traiter son enthousiasme de folie, il immolerait des victimes à l’objet de sa passion comme à une idole, comme à un Dieu… Cette affection, les hommes l’appellent amour ; les Dieux lui donnent un nom si singulier qu’il vous fera peut-être sourire. Quelques homérides nous citent deux vers de leur poète qu’ils ont conservés : « Les mortels le nomment Eros, le dieu ailé ; les immortels l’appellent Etéros, le dieu qui donne des ailes. »

L’amour n’est qu’un souvenir de l’éternelle beauté contemplée jadis, réveillé par la rencontre d’une beauté d’ici-bas et à qui l’émotion de cette rencontre donne des ailes pour s’élever de nouveau à la contemplation du Beau éternel.

Ceci est la théorie de l’amour dans Platon, en son essence, en sa racine profonde, en tant qu’elle se rattache à sa doctrine la plus générale. C’est par ce biais que l’ont prise, on le sait, la plupart des poètes qui l’ont adoptée, depuis Pétrarque et les