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POUR QU’ON LISE PLATON

de vérité ; mais elle reste fausse, même sous cette forme-ci, en ce que l’amour de la beauté périssable, s’il donne, en effet, s’il donne, il est vrai, l’idée d’une beauté qui serait parfaite et qui serait éternelle, n’est pas fécond en cela et capable de conduire à un état d’âme souhaitable, ni surtout divin. Il ne conduit qu’à un état d’âme poétique et, du reste, décevant et négatif. Cette généralisation réussit à faire oublier ou mépriser l’objet déterminé et réel, mais ne lui substitue pas un objet de véritable affection ni d’admiration véritable. Elle fait rêver de quelque chose que l’on sent qui n’existe pas ou qui assurément est insaisissable. Donc elle attriste. Elle vide l’âme d’un côté sans d’un autre la remplir. Elle substitue l’ombre à la proie, en montrant la proie vile et l’ombre creuse. Elle est essentiellement pessimiste, quoique caressée par le plus optimiste des philosophes.

Du reste, elle est excellente à montrer ce qu’il y a de vide et d’inconsistant dans l’amour, puisqu’elle prouve assez bien que plus il est fort plus il se détruit, que plus il est fin plus il se détruit encore ; et qu’à s’approfondir il se transforme et qu’à se transformer il aboutit à un transport de désir qui est une sensation de néant.

Ce que Platon a pris pour l’idéalisation de l’amour en est comme la destruction triomphante,