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POUR QU’ON LISE PLATON

rie de l’amour selon Schopenhauer est dans Platon. Elle n’y est qu’en germe ; mais elle y est et déjà poussée assez loin. L’amour est un art naturel qui, du reste, peut devenir un art humain, d’unir les contraires pour produire une harmonie, comme en musique et comme en toutes sortes de choses. Les contraires s’attirent, parce qu’ils se complètent. Les semblables s’attirent aussi, mais ils ont tort et ils vont contre le vœu de la nature et contre la vérité générale des choses. L’union d’une faiblesse et d’une force, comme effet du besoin que la faiblesse a de la force, et aussi du besoin que la force a de la faiblesse pour remplir son office, qui est de protéger et de fortifier, c’est le fond même de l’amour, et c’est ce qui fait qu’il est une harmonie, un concours et un concert. Les dieux ont voulu que les contraires se recherchassent et s’unissent, même au prix de quelques froissements et de quelques heurts, parce que rien de créé n’étant parfait, la tendance à se compléter est une tendance à la perfection. Or la tendance à la perfection c’est le grand secret ; c’est toute la morale ; c’est toute la loi humaine ; pour mieux parler, c’est toute la loi du monde, c’est toute la loi. En tout cas, c’est tout Platon, et c’est là que d’instinct, à travers tous ses méandres, il revient toujours.