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POUR QU’ON LISE PLATON

rent pour perpétuer l’espèce ou comme s’ils savaient que l’espèce ne se perpétue qu’ainsi, qu’il n’est étrange que les oiseaux couvent, malgré la répugnance naturelle qu’ils devraient avoir à cela, pour faire éclore leurs petits ou comme s’ils savaient que leurs petits ne sortiront de l’œuf qu’à ce prix. C’est l’instinct, chose inexplicable et irréductible à une idée rationnelle, mais qu’il faut bien constater et qui n’est pas plus étonnante ici que là.

De plus, le besoin qu’ont les contraires de s’unir peut, si l’on veut, s’expliquer même sans intervention du génie de l’espèce et sans qu’on dise que c’est proprement l’instinct qui agit. L’amour est simple attrait sexuel et recherche de plaisir chez beaucoup d’êtres humains. Au fond, il est surtout cela. Mais, dès qu il est un peu raffiné et sans même qu’il mérite encore d’être qualifié ainsi, chez la plupart des êtres humains, chez tous peut-être, pourvu qu’ils aient le choix, en même temps qu’attrait sexuel l’amour est avant tout curiosité. Il est plus curiosité qu’il n’est désir de possession, beaucoup plus à mon avis, et, du reste, désir de possession et curiosité ne laissent pas de se confondre un peu ; car on ne désire pas posséder ce qu’on connaît, ou tout au moins on désire beaucoup plus posséder ce qu’on ne connaît pas.