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POUR QU’ON LISE PLATON

Il n’y a pas contradiction à dire ce qui précède et à dire ce qui suit ; car si l’éducation doit être harmonieuse et s’occuper du corps comme de l’âme, il est certain pour un philosophe que les soins à donner au corps ne valent qu’autant qu’ils sont destinés à faire du corps un bon serviteur de l’âme. Il faut donc soigner le corps en n’oubliant pas de le mépriser et en ne s’oubliant pas jusqu’à l’estimer par lui-même. Considéré comme serviteur de l’âme et surtout comme demeure de l’âme où il faut qu’elle soit à l’aise, il faut chérir le corps et en prendre des soins excellents ; considéré comme siège des passions et par conséquent comme corrupteur et pervertisseur de l’âme, il faut « s’en détacher » autant et aussi constamment qu’il est possible : « Vous paraît-il qu’il soit digne d’un philosophe de rechercher ce qu’on appelle le plaisir, comme celui du manger et du boire et comme celui de l’amour ? Et tous les autres plaisirs du corps, croyez-vous qu’il les recherche, par exemple les beaux habits, les belles chaussures et les autres ornements de la chair ? Tous les soins d’un philosophe n’ont donc point pour objet le corps et, au contraire, il ne travaille qu’à s’en séparer autant qu’il le peut. » — Cette double vérité, avec son antinomie apparente, est à méditer et à bien comprendre, et elle consiste simplement à prendre l’âme