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POUR QU’ON LISE PLATON

pour ce qu’elle est et le corps pour ce qu’il peut être. L’harmonie résultera de leur accord, soumis, comme tout accord, à une règle supérieure à tous deux. Si l’on mettait l’âme en harmonie avec le corps de telle sorte et avec un tel dessein que toutes les forces de l’âme, intelligence, sensibilité, faculté artistique, volonté, fussent consacrées à procurer au corps les plaisirs qu’il semble demander avec tant d’ardeur, on aurait une harmonie, sans doute, mais si incomplète qu’elle ne tarderait pas à abreuver l’être de dégoût, et c’est à quoi ne réfléchissent point nos philosophes du plaisir. Si l’on cherchait l’harmonie de telle sorte que le corps ne servît strictement qu’à exécuter les volontés de l’âme dans sa recherche de la connaissance, le corps s’atrophierait de telle manière que l’âme n’aurait plus en lui ce serviteur docile. La vérité est que tous deux, corps et âme, doivent être mis en harmonie par quelque chose qui soit plus haut que tous les deux et qui les réclame tous les deux pour son service. C’est la loi du bien, qui leur dit à l’un comme à l’autre : « Unissez-vous et entendez vous pour m’accomplir. »

Dans ces conditions, il y a véritable séparation et véritable concert. Véritable séparation en ce sens que le sage se sent détaché et affranchi de son corps, ne lui accordant rien de ce qu’il aime :