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POUR QU’ON LISE PLATON

entendu parler de cela. Ils auraient une demi-connaissance et comme une connaissance factice et artificielle qui est de telle sorte qu’il y a quelque chose qui vaut mieux qu’elle, et c’est l’ignorance toute simple.

Vous rappelez-vous ce que j’ai dit du demi-savoir ? « Je craindrais bien davantage d’avoir affaire à d’autres qui auraient étudié ces sciences, mais qui les auraient mal étudiées. L’ignorance absolue n’est pas le plus grand des maux, ni le plus à redouter ; une vaste étendue de connaissances mal digérées est quelque chose de pire. » Quand j’ai dit cela au sage Crétois Clinias, il m’a répondu : « Tu dis bien vrai. » Or cette vaste étendue de connaissances mal digérées, cette demi-science qui est une peste très redoutable, serait précisément celle de ceux de nos gens que nous aurions instruits de force et sans qu’ils y fussent appelés par vocation naturelle.

Et l’on peut supposer une chose fort triste, mais qui n’est pas sans vraisemblance. Les disciples qui ne songeaient nullement par eux-mêmes à chercher la connaissance et qui n’ont pas commencé par être disciples d’eux-mêmes, ne laisseraient pas de haïr leurs maîtres, se souvenant d’eux surtout comme de gens qui les ont violentés, un peu torturés et entraînés par autorité dans un pays qu’ils