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POUR QU’ON LISE PLATON

Il me paraît qu’il n’en va pas de la vérité d’une manière très différente. Ceux qui aiment la vérité, ils l’aiment avant de la connaître et ils la cherchent bien longtemps avant de l’avoir trouvée, comme celui qui doit aimer aime bien longtemps avant d’avoir trouvé l’être qui doit être l’objet de son amour. Aimant la vérité avant de l’avoir rencontrée et rêvant d’elle comme l’amoureux rêve de celle qu’il doit aimer et qu’il ne connaît pas encore, ils recherchent avec passion ceux qui peuvent leur donner quelques renseignements sur elle et les guider de loin vers cette princesse lointaine. Ils écoutent avec ferveur leurs leçons et bien souvent il faut moins les exciter que les contenir. Ce sont ceux-ci seulement qui sont dignes, non seulement de la connaissance, mais de la recherche de la connaissance. Ils ont entre les yeux ce signe auquel vous savez qu’on reconnaît les amoureux, et ils sont dignes de connaître parce qu’ils connaissent déjà, selon ma doctrine, et dignes de chercher parce qu’ils ont déjà trouvé, et dignes d’aimer parce qu’ils aiment.

Quant à ceux en qui il faudrait faire entrer la connaissance avec quelque violence et effort et bon gré mal gré qu’ils en eussent, ils n’auraient jamais la connaissance véritable et ils connaîtraient comme ceux-là aiment qui aiment parce qu ils ont