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POUR QU’ON LISE PLATON

parce qu’il est moral, mais parce qu’il est beau. En ce faisant, elle exige seulement que l’artiste lui donne le genre de beauté qu’il détient ou qu’il se fait fort de détenir.

Et si c’est particulièrement dans la tragédie que la foule a cette exigence, c’est qu’il est dans l’essence même de la tragédie de viser particulièrement cette beauté morale : elle peint l’homme sérieusement et dans des situations sérieuses et graves ; une vue grave et sérieuse sur les destinées de l’homme est comme impliquée dans la tragédie. Il y a des genres littéraires qui, tout littéraires qu’ils soient et non plastiques ou mélodiques, ne visent pas et n’ont pas aviser aussi directement ce genre de beauté. Un faiseur de descriptions est parfaitement libre de n’avoir aucune préoccupation morale. Je peins des rochers avec ma plume, dit l’un ; moi, des clochers ; moi, des corps d’animaux ; moi, des corps humains, disent d’autres. La foule ne se fâche point. C’est un autre genre d attrait qu’on lui promet et qu’on lui donne. Si on le lui donne vraiment, elle est satisfaite. Un conteur même peut être amoral. « Je peins des tableaux de genre, dit-il ; des analyses de sentiments, à proprement parler, vous n’en verrez pas. Il y aura bien des sentiments, puisqu’il y aura des hommes ; mais nous n’insiste-