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POUR QU’ON LISE PLATON

l’art est de faire plaisir ; il n’en a pas d’autre. Seulement, selon les moyens qu’il emploie pour cela, et la matière qu’il emploie pour cela, il s’adresse à des parties très différentes de notre âme. Ce qui fait plaisir, c’est ce qu’on aime. Or nous aimons les choses les plus diverses : des sons, des couleurs, des formes, des âmes. Il est clair que les parfums n’ont pas pour nous le même genre d’attraits que les âmes ; et selon que l’artiste nous présente des formes, des sons ou des sentiments, il aura à poursuivre un genre très différent de beauté, d’attrait. Or l’attrait des sons ou des formes est plus matériel que l’attrait des sentiments. C’est une beauté presque toute matérielle que celle d’un dôme, d’un torse ou d’une poitrine. La foule donc, instinctivement, ne demande à l’architecte, au sculpteur et au peintre aucune sentence morale, parce que, si entêtée de morale qu’elle puisse être, il ne peut lui venir à l’idée de chercher dans un torse une maxime d’Epictète.

Mais les âmes ont un genre de beauté que n’ont pas les torses. Leur genre de beauté, et par conséquent leur attrait, est précisément dans la force morale. Quand la foule demande au tragique de belles suggestions morales, elle est donc très loin d’avoir tort ; elle a même parfaitement raison en tant qu’elle demande au tragique le moral, non