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POUR QU’ON LISE PLATON

On pourrait donc faire, je ne dirai pas du tout une hiérarchie, car il ne s’agit nullement de mettre les arts les uns au-dessus des autres ; mais une répartition et une classification des arts selon leur matière et, à cause de leur matière, selon le genre d’attrait plus ou moins matériel, plus ou moins immatériel qu’ils cherchent et aussi qu’ils procurent. Il y aurait les arts où la beauté morale n’entre pour rien et où la recherche de la beauté morale serait même si vaine qu’elle en serait ridicule : arts plastiques : peinture, sculpture, architecture. Ici l’on démontrerait, ce qui serait assez facile, que l’artiste, quand il cherche à introduire dans son œuvre un élément moral, a une préoccupation étrangère à son art et qui peut être funeste à l’art. — Il y aurait les arts où le beau moral peut entrer pour quelque chose, pour plus ou moins ; d’où, du reste, il peut être absent : musique, danse, poésie descriptive, comédie, conte, roman. Ici l’on indiquerait qu’il suffit de n’être pas immoral, qu’il suffit de ne pas blesser la moralité, précisément parce qu’en la blessant on en rappellerait l’idée, bien plus fort qu’en lui faisant hommage et que, dès lors, le public ne tolérerait plus un ouvrage qu’il ne goûtait qu’en faisant abstraction de ses préoccupations morales et en les tenant pour étrangères au sujet. — Enfin il y aurait les arts où la matière