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POUR QU’ON LISE PLATON

n’est pas de plaire ; il est de se plaire en se réalisant, sans aucune autre préoccupation. L’artiste est un amoureux qui tire de lui-même l’objet de son amour et qui ne doit le tirer que de lui-même. A l’artiste qui était devenu amoureux de la statue sortie de ses mains un philosophe vint dire : « Sais-tu pourquoi tu aimes la statue que tu as faite ? C’est parce que tu l’aimais avant de la faire. »

« Voilà, mon cher amoureux du beau, ton seul devoir en tant qu’artiste. Aimer le beau de toute ton âme et n’aimer que cela. C’est ce qui te distingue des politiciens, des rhéteurs, et, du reste, de tous les hommes. Si les vrais philosophes et les vrais artistes s’entendent très bien ensemble, c’est qu’ils aiment les uns le bien, les autres le beau d’une manière désintéressée, et que les uns et les autres appellent les hommes à des jouissances désintéressées. Il n’y a pas entre le bien et le beau les rapports que beaucoup y voient ou veulent y voir ; mais il y a celui-là que je viens de te dire, et il ne laisse pas d’être assez étroit. »

Et ce n’est pas là ce qu’a dit Platon ; mais il faut reconnaître que sa doctrine, au moins par quelque endroit, mène à le penser et le suggère.

Pour ce qui est de l’ensemble de ses idées, ce que