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POUR QU’ON LISE PLATON

de l’injustice d’engendrer des haines et des dissensions partout où elle se trouve, elle produira sans doute le même effet parmi tous les hommes quels qu’ils soient et les mettra dans l’impuissance de rien entreprendre en commun. »

La force de cohésion des sociétés, la force d’agrégation des agrégats, dans leur essence, on voit que c’est la justice.

Rien n’a été plus discuté que cette question-là en tous les temps et particulièrement au temps de Platon. On a fait remarquer qu’enseigner le juste est, pour commencer, rendre un bien mauvais service à celui à qui on l’enseigne ; qu’il y a de grandes chances pour que le juste soit fouetté, torturé, aveuglé avec un fer rouge et finalement mis aux fers ou envoyé à la mort ; qu’au contraire le scélérat, comme disent les philosophes, c’est-à-dire simplement l’homme qui ne s’embarrasse pas de savoir si les choses sont justes ou injustes, tire avantage de tout, parce que le crime ne l’effraye point, qu’à quelque chose qu’il prétende, soit en public, soit en particulier, il l’emporte sur tous ses concurrents, qu’il s’enrichit, fait du bien à ses amis, du mal à ses ennemis, qu’il offre aux dieux des sacrifices et des présents magnifiques et se concilie bien plus aisément que le juste la bienveillance des hommes et des Dieux eux-mêmes.