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POUR QU’ON LISE PLATON

On a fait remarquer aussi que les pères recommandent la justice à leurs enfants et les maîtres à leurs élèves, non en vue de la justice même, mais en vue des avantages qui y sont attachés et pour que ceux d’entre les citoyens qui ont le goût du juste s’attachent à eux et les honorent et les installent en dignités ; que, s’il en est ainsi, c’est bien plutôt l’apparence de la justice que l’on recommande aux enfants que ce n’est la justice elle-même ; et que, par conséquent, c’est une hypocrisie et une comédie ; et que, par conséquent encore, et ceux qui enseignent l’injuste et ceux qui enseignent le juste tendent au même but sous différents mots, c’est à savoir à faire et dresser des coquins habiles.

N’est-il pas vrai, du reste, aie bien prendre, que les dieux eux-mêmes enseignent l’injuste, puisqu’on les voit accumuler sur les honnêtes gens les maux et les disgrâces et favoriser les méchants d’une façon toute particulière et, comme dit Hésiode : « On marche à l’aise dans le chemin du vice ; la voie est unie ; elle est près de chacun de nous ; au contraire, les dieux ont placé devant la vertu les sueurs et les souffrances », si indifférents du reste à la vertu qu’ils se laissent corrompre et acheter par des présents, comme des politiciens ; et, comme dit Homère : « Ils permettent qu’on les