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POUR QU’ON LISE PLATON

il reste très vrai que la justice est le bien que l’individu doit chercher avant toute chose.

Il faut bien se garder de l’erreur, ou de la faiblesse ou de l’hypocrisie des panégyristes ordinaires et médiocres du juste. Ils disent que l’homme juste réussira. Ils disent : « Soyez justes, et tout vous sera donné par surcroît. » C’est faux, et peut-être même ils savent que c’est faux, et dans le premier cas ils sont bornés, et dans le second ils sont menteurs ou au moins ils ont une défaillance de sens moral. Il faut dire : « Soyez justes, et peut-être vous réussirez, peut-être vous ne réussirez pas, personnellement ; mais ce dont vous pouvez être assurés, c’est que vous ferez un Etat excellent, ce qui vous assurera un avantage inappréciable, fussiez-vous personnellement peu favorisés du sort ou de vos concitoyens, celui de vivre dans un Etat excellent. »

La justice, en effet, quand on l’analyse, en quelque sorte, c’est un état d’équilibre social, un état d’égale ou proportionnée répartition des forces. Ce qui est juste, c’est que chacun ait, en sûreté, ce qui lui appartient et n’en soit pas privé par la violence. D’abord ceci.

Mais ce qui est juste aussi, c’est qu’aucun des corps de l’Etat, magistrats, guerriers, négociants, artisans, n’empiète sur un autre corps ; car une