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POUR QU’ON LISE PLATON

fléchisse par des sacrifices et des prières flatteuses ; et quand on les a offensés, on les apaise par des libations et des victimes. »

Et sans doute on dira que ce n’est pas aux prêtres qu’il faut demander leur avis sur ces choses, puisqu’ils sont de naïfs corrupteurs de la morale publique ; mais le spectacle même de la vie de tous les jours montre assez que les succès sont pour le coquin audacieux ou pour le coquin habile, pour celui qui ne tient pas compte de la justice ou pour celui qui en revêt adroitement l’apparence seule ; et qu’entre les deux le juste véritable n’a le succès ni de l’un ni de l’autre et n’est que malheureux et méprisé.

On peut donc se demander si la justice n’est pas autre chose qu’une invention de quelques philosophes, assez chimérique en soi et très dangereuse par les effets qu’elle peut produire.

A ces objections il faut répondre avant tout que ce n’est pas le succès personnel qu’il faut chercher, ni même qu’on a intérêt à chercher, mais le succès de la communauté, le bien de l’Etat, lequel du reste nous revient en bien personnel puisqu’il n’y a pas de bien comparable à celui d’appartenir à un Etat bien constitué et bien gouverné. Or, s’il est vrai que la justice est le fondement même dune société, assertion que l’on n’a point réfutée,