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POUR QU’ON LISE PLATON

que, dès qu’elle se joint à la justice, elle est une force vraie ; et par conséquent c’est encore la justice qui est la force, puisqu’elle est la vertu d’efficacité de la force elle-même. Vous justifiez la force et vous dites que je voudrais fortifier la justice. En langage commun, c’est à peu près cela. En langage platonicien, ce n’est pas cela tout à fait. Ce qu’il faut dire, c’est ceci : Vous justifiez la force et moi je ne songe pas à fortifier la justice ; mais j’affirme que c’est la justice qui fortifie la force. Il en résulte une parfaite identité entre la force et la justice, puisque la force sans la justice est une impuissance.

Voilà ce que j’ai à répondre sur le fond des choses. Pour ce qui est de cette idée particulière que ce sont les forts qui doivent commander dans la cité et que la justice est une fiction qui a été inventée par les faibles pour intimider et museler les forts, je répondrai que je ne comprends guère cette logomachie ; car enfin qu’entend-on bien par les forts ? Les forts, ce sont sans doute ceux qui peuvent imposer leur volonté. Eh bien, les forts, ce sont les plus nombreux ; car il est incontestable que dix hommes sont sûrs d’en battre un. Par conséquent, c’est la foule qui doit commander, par application exacte et formelle de la théorie de Calliclès. Si le droit est à la force, il est au nombre. Il n’y a pas de théorie plus précisément démocra-