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POUR QU’ON LISE PLATON

tique que la théorie prétendument aristocratique et soi-disant aristocratique de Calliclès.

On pourra dire que bien longtemps et dans beaucoup de pays encore à présent la foule, quoique étant le nombre et par conséquent la force, s’est laissée conduire et même opprimer par « les grands », à tel point que cela semble d’ordre naturel. Mais dès que la foule veut commander, d’après les théories de Calliclès. de ce moment même elle en a le droit, parce qu’elle est une force qui se sent force, par conséquent une force vraie. Auparavant elle était une force latente, et c’est dire qu’elle n’était pas une force. Elle laissait dormir son droit. Ou plutôt elle n’avait pas de droit, n’étant pas véritablement la force. Dès qu’elle se sent comme force, du même coup elle a le droit. Elle crée son droit dès qu’elle en a l’idée, puisqu’il ne lui manquait que d en avoir l’idée pour le posséder.

Donc le droit, c’est la force ; la force, c’est le nombre ; le nombre a raison. Que la foule gouverne et que les « meilleurs » obéissent ; que la foule soit tout et que les meilleurs ne soient rien ; voilà la conclusion irréfutable de la doctrine aristocratique de Calliclès ; ou plutôt ce n’en est même pas la conclusion plus ou moins éloignée, plus ou moins proche ; c’est ce qu’elle affirme dès son premier mot si son premier mot a un sens.