Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
POUR QU’ON LISE PLATON

en mots, en phrases, en périodes et en cadences ? Est-il autre chose qu’un poète en prose ? On me dira : Comme forme, oui, mais non pas comme fond. Fort bien ; mais de quel fond parle-t-on ? Veut-on dire que la forme d’un orateur, c’est son style, et que le fond d’un orateur, c’est sa connaissance des affaires publiques ? Nous y voilà. Parfait ! Mais qu’est-ce que c’est que la connaissance des affaires publiques ? C’est la connaissance de ce qui peut mener à bien les destinées d’un peuple. Eh bien, ce qui peut mener à bien les destinées d’un peuple, c’est la justice. C’est la justice telle que je l’ai définie, à savoir le sens de l’équitable d’abord et ensuite le sens de l’ordre et de la juste distribution des charges et des devoirs et des droits et des fonctions. De sorte que nous voilà revenus à ce que j’avais dit tout d’abord, qu’il faut organiser l’Etat selon la justice et le faire gouverner par ceux qui la connaissent et qui l’aiment.

Nous y sommes revenus par un long détour ; mais rien n’était plus utile que ce détour ; car par lui nous avons appris à reconnaître une chose, c’est qu’on peut accepter la théorie de la force, pleinement, quand on est partisan de la théorie de la justice, et c’est qu’il y a identité entre ces deux doctrines quand on va au fond des choses. De même que nous avons accepté que l’homme fort a son