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POUR QU’ON LISE PLATON

particulièrement à l’époque de Platon, comme à celle de Jean-Jacques, ils tournaient le dos. Il y avait un paradoxe hardi et il y avait un paradoxe perpétuel dans tout le développement de la pensée platonicienne. Platon rompait en visière à son temps comme Rousseau au sien, avec le même instinct de taquinerie et aussi avec le même courage, à tel point que si Rousseau fut persécuté, on s’étonne que Platon ne l’ait pas été.

Il avait à côté de lui un auxiliaire qu’il avait des raisons de haïr et qu’il parait bien qu’il ne haïssait pas, sentant bien en lui un auxiliaire en effet. Ils avaient les mêmes ennemis. Comme Platon, Aristophane attaquait les prêtres besogneux et avides, vivant de la sotte crédulité publique (Plutus), les fabricateurs d’oracles, les démagogues, les sophistes, les poètes et les musiciens qui affaiblissent et énervent les âmes. Comme Platon, Aristophane (Assemblée des femmes), pour s’en moquer, il est vrai, mais avec des complaisances où l’auteur de la République pouvait très bien trouver son compte, exposait les idées de partage des biens, de suppression de la propriété, de repas en commun, d’affranchissement de la femme, de paternité collective. Comme Platon, et cette fois très sérieusement, il faisait l’éloge de la pauvreté et le réquisitoire contre le Dieu aveugle de la Ploutocratie.