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POUR QU’ON LISE PLATON

veut parfaitement faire vivre les hommes en force et en beauté. Seulement il lui a semblé que c’était dans le juste et, à un plus haut degré, dans le parfait, et en un mot que c’était dans la morale qu’étaient la beauté et la force ; que c’était dans la morale qu’était la force, puisqu’il faut beaucoup plus de force pour se vaincre et s’opprimer soi-même que pour vaincre et opprimer les autres ; que c’était dans la morale qu’était la beauté, puisque le beau est le déploiement complet, plein et satisfait d’une force.

Cette grande idée était toute nouvelle. Il me semble bien que les Grecs ne l’avaient eue jusque-là que par échappées, si tant est qu’ils l’eussent connue. Ils avaient eu, presque davantage, quoique très peu, l’idée du devoir, sous forme d’idée d’obéissance aux dieux. Mais l’idée de l’adoration de la morale, parce qu’elle est belle et parce qu’elle est le fond de la nature humaine, et donc, en synthétisant, parce que le fond de la nature humaine est la réalisation du beau ; cette idée, qui devait naître dans un peuple artiste, avait, cependant, attendu Platon pour éclore.

Platon était nouveau au ive siècle avant Jésus comme Rousseau au xviiie siècle. Il apportait un rêve de perfection morale et sociale dont ses contemporains n’avaient pas l’idée et auquel, tout