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POUR QU’ON LISE PLATON

vers le point de bifurcation. Platon, quoique ne se privant point de regarder en arrière, se place en quelque sorte en dehors du temps. Très inquiet du présent, sympathisant quelquefois avec le passé, il place certainement son idéal dans l’avenir, ou plutôt il cherche un suprême bien qui puisse être celui de tous les temps. Sa magnifique utopie est achronique.

Injecter la morale dans l’humanité de telle sorte, avec une telle puissance qu’elle se mêle à tout le tempérament humain et que désormais, à quelque moment que ce soit, l’humanité la sente en elle et ne puisse pas l’éliminer, et qu’à certains moments il y ait comme une poussée inattendue et extraordinaire de cet élément nouveau, voilà ce que Platon a voulu et en vérité voilà ce qu’il a réalisé. Il est une des deux ou trois époques importantes de la civilisation humaine.

Ce qu’il a fait là, il l’a fait avec audace et avec persévérance, aussi avec une singulière adresse, volontaire ou demi-consciente. Il a combattu les idées générales des Athéniens, les mœurs des Athéniens, les préjugés et les travers des Athéniens avec toutes les ressources intellectuelles des Athéniens.

Il a combattu l’art et les artistes, parce qu’il les jugeait très dangereux contre les mœurs, avec des