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POUR QU’ON LISE PLATON

sentir obligé envers son canton et, par reconnaissance envers lui, l’aménager de plus en plus dans le sens de l’ordre, du juste et du bien. L’humanité oblige l’homme. Nous devons l’adorer comme un Dieu bienfaiteur et aussi comme un Dieu souffrant et douloureux. Nous devons à l’humanité d’être d’abord digne d’elle et ensuite meilleur qu’elle. Nous devons à nos pères de les surpasser en justice et en bonté, et nos descendants nous devront de nous surpasser en bonté et en justice. Le devoir, c’est de porter plus haut l’humanité à mesure qu’elle vieillit. L’humanité doit honorer son enfance par sa jeunesse, sa jeunesse par son âge mûr, son âge mûr par sa vieillesse, en montrant toujours que chacun de ses âges était beau en ceci qu’il contenait un successeur plus beau que lui.

Et cette idée est éminemment platonicienne. Platon se croit, d’une certaine façon, obligé envers Dieu ou envers les dieux ; mais où il tend surtout, c’est bien à faire vivre les hommes de plus en plus en beauté. Pour lui, la question est toujours, ou du moins très souvent celle-ci : qu’ont fait nos pères pour nous rendre meilleurs qu’eux ? S’ils n’ont rien fait en ce sens, il n’y a pas lieu de les honorer. S’ils ont fait quelque chose ou beaucoup en ce sens, ils sont vénérables et nous devons les hono-