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POUR QU’ON LISE PLATON

rer en les imitant. Nous-mêmes nous avons pour tâche unique de faire l’humanité meilleure que nous, dans toute la mesure de nos forces. Toute la valeur de l’homme est dans la quantité de justice et dans la quantité de bien qu’il aura mises dans le monde. Le reste est sensiblement négligeable. Cette morale platonicienne est par bien des aspects et surtout par son aspect principal très analogue à la morale positiviste.

Elle est, avant tout, surtout, essentiellement, à base de désintéressement. Si dans le langage courant platonisme et idéalisme sont synonymes, ce n’est pas à tort. Les hommes appellent communément idéal ce qui est désintéressé. L’idéalisme pratique consiste simplement à sacrifier l’appétit à l’idée. C’est tout Platon. L’idée pour lui est si belle que c’est être un sot que de ne pas jeter à ses pieds, et pour qu’ils y soient foulés, toutes les passions et avec elles, tous les intérêts. Quand un homme a une pensée et qu’il n’en est pas assez ravi et amoureux pour lui sacrifier tout ce qui lui est agréable, il n’était pas digne de l’avoir, et l’on peut presque dire qu’il ne l’avait pas. Il ne l’avait pas en sa plénitude et en son éclat et sa force. Non, vraiment, il ne l’avait pas. Et c’est pour cela que Platon semble convaincu que savoir la vertu et la pratiquer, c’est la même chose. Ce doit être la même