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POUR QU’ON LISE PLATON

chose, il faut que ce soit la même chose, puisque, si ce ne l’était pas, l’homme serait trop bête. Et la théorie est contestable, et on peut même dire qu’elle est dangereuse ; mais elle est le signe de l’idéalisme le plus sincère, le plus convaincu, le plus profondément entré dans les moelles et dans le cœur d’un homme, qui se soit jamais rencontré, L’épithète de divin en est resté à Platon, et à juste titre.

Sans doute, comme enivré de morale, il a, non pas fait à la morale une trop grande part et, si je l’ai dit, ce fut mal dire ; il n’a pas fait à la morale une trop grande part en la donnant comme la dernière fin de l’homme et en affirmant qu’il ne peut être occupation humaine qui ne se rattache à la morale comme à sa dernière fin, ce qui est vrai et même exact ; mais il a trop voulu que la préoccupation morale, le dessein moralisateur fût continuellement présent et comme mêlé à chaque occupation humaine quelle qu’elle fût, et non seulement la dominât, mais la dirigeât de tout près, et pour ainsi dire la maîtrisât et l’étreignît, ce qui est trop, et ce qui risque de paralyser et de glacer les plus belles facultés humaines, lesquelles, laissées plus libres, reviennent beaucoup mieux à servir en définitive la morale qu’elles ne le pourraient faire ainsi maîtrisées, opprimées et contraintes.