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JEAN-PAUL

sans regrets, après l’avoir portée un jour à sa boutonnière.

Que devenait donc son amour ? À vrai dire, il n’avait aimé qu’en rêve ; il s’était attaché à une vision bien plus qu’à une réalité. Et voilà que sous quelque mystérieuse poussée, le fantôme s’évanouissait dans le néant ; l’ombre charmeuse, qui l’avait enivré de ces parfums peut-être trop capiteux, se dissipait soudain, comme un mirage au tournant d’une route.

Quand il eut fini de détruire ses lettres, il se sentit le cœur plus léger, mais aussi plus vide. Comment vivre seul ? N’est-il donc pas possible d’avoir quelqu’un qui nous comprenne et nous aide ? quelqu’un en chair et en os qui se tienne réellement à côté de nous, qui reçoive nos bras, tendus vers un secours sympathique ? Toute son âme chancelante et désemparée réclamait ce renfort, cet appui, cette indispensable assistance. Qui donc viendra vers lui ?

D’instinct il s’était tourné du côté du jeu de balle-au-mur où s’amusaient ses camarades ; mais ses yeux étaient tellement voilés de larmes qu’il put à peine reconnaître, là-bas, le Père Beauchamp qui, revenant du Petit-Bois, lui envoyait de la main un grand salut affectueux.