Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/192

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Un soir, – c’était le 13 octobre, – ils achevaient de dîner en tête-à-tête. Ils revenaient du cap Martin, où ils avaient été voir le coucher du soleil. Le ciel écarlate avait éclaboussé de sang et de feu toute la mer et la brise du soir avait mollement agité, devant cette fournaise splendide, la dentelle noire des pins. Maintenant, c’était la nuit, une nuit lactée. Les jardins exhalaient leur senteur de résine. Et, parmi les feuillages, les globes électriques disséminés répandaient comme un grand clair de lune.

Eux, les amants, se taisaient et regardaient la nuit. Une langueur mystérieuse naissait de leur silence.

Soudain, mademoiselle de Retz, comme pour secouer cette langueur, se leva :

— Fougères !… je ne vous ai pas dit…

Elle ouvrit le sac qui pendait à son sautoir, et y prit un paquet de petits bleus.

— Ah ! fort bien… c’est le fameux chèque ?…

— Converti depuis ce matin en coupures toutes neuves. Mon cher, nous avons eu une après-midi trop contemplative. C’était inoubliable ce soleil japonais dans ces arbres italiens… Mais après deux heures d’extase, il faut une réaction active. Je vais au tapis vert, ce soir…

— Allons au tapis vert ! Tout de même… simple réflexion… il paraît assez bien garni, votre petit sac ?…

— Cinq mille six cents…

— Oui… Pensez-vous qu’il serait peut-être sage de laisser… dans le coffre de l’hôtel… une réserve ?…

— Quel besoin ?