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conseille de ne pas rejeter les légumes (qui sont excellents, soit crus, soit cuits), ni même certains produits d’origine animale, tels que le beurre, le lait, les fromages, le miel. Associés aux fruits et consommés en quantités raisonnables, ils ne peuvent que nous être très utiles. On se passera alors de viande sans la moindre difficulté, au contraire, puisqu’on évitera de s’empoisonner et de s’intoxiquer avec le plus malsain des aliments.

J’estime, contrairement à certains fruitariens, que la consommation du pain est toute indiquée avec les fruits. Le pain (rassis, ou, mieux encore, grillé) complète très heureusement la valeur alimentaire des fruits. Pour obtenir au maximum les résultats bienfaisants que peut nous procurer l’ingestion de ceux-ci, il ne faut pas oublier qu’il est préférable de les consommer au début du repas. On les digère alors beaucoup mieux et l’on profite intégralement de leurs propriétés dépuratives.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur la question. Je renvoie aux livres de Rancoule, de Maurice Phusis, du Dr Carton, du Dr Durville, qui se sont occupés de la question sérieusement, ainsi qu’aux publications de nos amis du Foyer Végétalien (40, rue Mathis, Paris). Il y a là les éléments d’une philosophie rationnelle de l’alimentation. Assurément, ni le frugivorisme, ni le crudivorisme (alimentation constituée, intégralement ou en grande partie, de fruits ou de légumes crus) ne suffiront à modifier le monde actuel. Ce ne sont pas des panacées (il n’y en a pas, au surplus). Mais ces mouvements ont leur place, et leur grande raison d’être, dans le grand courant d’idées et d’efforts libérateurs qui vise à créer une société moins brutale et moins servile, au sein de laquelle l’homme saura vivre sainement, sobrement et consciemment. — André Lorulot.

FRUGIVORE. Celui qui ne se nourrit que de fruits, de végétaux. Quantité d’animaux sont frugivores, bien que certains ne se nourrissent pas essentiellement de fruits, mais de différentes substances végétales. Il y a même des carnassiers qui ne dédaignent pas les fruits et les végétaux.

« L’homme, nous dit Cuvier, est par ses dents frugivore aux trois cinquièmes et carnivore pour le reste. L’écureuil est un frugivore. »

On donne à l’individu qui se nourrit de fruits le nom de végétalien ; il est du reste excessivement rare de rencontrer des hommes qui ne mangent que des fruits ; à part quelques sectaires, presque tous les végétaliens acceptent d’absorber différentes substances végétales. Nous n’avons pas à discuter des goûts de chacun, et quiconque est libre, en vérité, de se nourrir à sa guise de viande, de légumes ou de fruits ; mais certains végétaliens veulent faire du végétalisme une doctrine sociale, ce qui nous paraît ridicule.

Scientifiquement, d’autre part, il n’a jamais été démontré que le végétalisme produisait physiquement, moralement ou intellectuellement, des individus supérieurs, et que les carnivores eussent à souffrir de leur système d’alimentation. Au point de vue sentimental, le végétalisme ne se soutient pas plus qu’au point de vue scientifique, car si l’on se place sur le terrain du « droit à la vie » pour les animaux, il n’y a pas plus de raison de ne pas respecter l’existence du lion, du

tigre, du serpent, du rat ou de tout autre animal nuisible, que celle de la poule ou du mouton. Nous pensons donc que le végétalisme est une question individuelle et non pas une question sociale. Nous croyons cependant qu’à l’origine l’individu fut plutôt carnivore que végétarien et cela se manifeste encore de nos jours par la pratique de certaines peuplades arriérées qui se livrent à l’anthropophagie, lorsqu’elles ne trouvent pas pour se nourrir d’autre chair que celle de l’homme.

Nous devons encore ajouter, pour ceux qui se placent sur le terrain sentimental pour soutenir les principes « humanitaires » du végétalisme, qu’en certaines contrées la destruction de certains animaux — tel le lapin, par exemple — est d’une absolue nécessité, et que sans les battues et les chasses qui s’organisent périodiquement, la reproduction intensive de ces animaux deviendrait pour l’homme un véritable fléau.

Laissons donc le frugivore à ses fruits, le végétarien à ses légumes, et le carnivore à sa viande, en ayant soin cependant de ne contraindre personne et de n’empiéter sur la liberté de qui que ce soit. On trouvera aux mots : végétarien, végétalien, végétarisme et végétalisme, une étude plus profonde sur ce sujet qui intéresse certainement un grand nombre de camarades anarchistes, car le problème du végétarisme fut très discuté dans les milieux d’avant-garde. Il y a des sujets autrement troublants cependant qui doivent inquiéter tout révolutionnaire sincère et, végétarien ou carnivore, nous croyons que l’homme, le travailleur, a, dans la situation précaire que lui fait le capitalisme, des difficultés à vivre et que les uns et les autres doivent s’unir pour acquérir leur bien-être et leur liberté.


FUMISTE n. m. et adj. Qui s’occupe de fumisterie. Ouvrier fabriquant des appareils de chauffage ou chargé d’entretenir les cheminées en bon état.

Au sens figuré, le mot fumiste sert à désigner un mauvais plaisant, un mystificateur, un individu en qui l’on ne peut avoir confiance. « C’est un fumiste ; c’est une fumisterie », pour : « C’est une plaisanterie ridicule, grotesque ». Les fumistes ne manquent pas et on en rencontre dans tous les milieux. « L’art » d’abuser de la crédulité humaine est très répandu et il ne s’exerce pas simplement pour s’amuser aux dépens d’autrui. Les fumistes vivent souvent de leurs mystifications et leurs victimes sont nombreuses. L’ignorance, la bêtise, la peur, la lâcheté sont des terrains propices à être exploités par les fumistes, et le pauvre monde souffre terriblement de tous ces parasites qui, siégeant dans les parlements, dans les cours de justice, dans les grandes administrations, poursuivent leur action néfaste et entretiennent un état de chose arbitraire entre tous. La société moderne est une vaste fumisterie, mais elle n’est pas simplement grotesque, elle est tragique, et c’est une plaisanterie grossière que de vouloir faire croire à l’individu que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu’il ne peut en être autrement.

Combien de temps cela durera-t-il encore ? Combien de temps les fumistes pourront-ils encore tromper et berner les classes opprimées ? Que ceux qui peinent et qui souffrent regardent autour d’eux, qu’ils écoutent, qu’ils comprennent et, en chassant tous les fumistes, ils mettront fin à la grande fumisterie sociale.