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cas, enrayer l’évolution de la maladie. On s’efforce de découvrir le cancer aussitôt que possible, car si l’intervention chirurgicale peut être tentée, c’est au début qu’elle aura les plus grandes chances de succès.

Les anciens médecins n’avaient guère pour avertissement que la souffrance qui amenait les patients à leur consultation. Or, si la douleur est un signal d’alarme, elle est souvent beaucoup trop tardive et elle manque de précision. La médecine de l’avenir sera la médecine préventive. Déjà la médecine actuelle est capable de déceler de petits risques d’insuffisance fonctionnelle des reins, auxquels elle peut remédier, grâce à quoi elle peut écarter ou éloigner l’apparition brutale de l’urémie. Il en est ainsi pour le foie, pour le cœur, etc. Mais nous sommes encore bien loin des possibilités futures.

Pour me faire mieux comprendre, je prendrai pour exemple l’art dentaire. Il y a cent ans, arracher la dent était le seul remède contre la douleur. Aujourd’hui non seulement on peut supprimer la souffrance en dévitalisant la pulpe, mais on empêche la carie par un plombage précoce. Il ne devrait plus y avoir de mâchoires édentées et puantes. Les personnes aisées se font examiner la bouche tous les six mois, pour que le dentiste puisse apercevoir les premiers signes d’altération dentaire. Le médecin de l’avenir sera sans doute capable de combattre les déficiences humorales qui causent la décalcification et d’empêcher les pyorrhées de s’amorcer. Il n’y aura plus de dents gâtées que par hasard ; et les dentiers ou les bridges seront devenus rarissimes.

La preuve des progrès de la médecine est dans la diminution de la mortalité dans les pays civilisés, surtout de la mortalité infantile. De grandes masses humaines peuvent se rassembler (par exemple dans la dernière guerre) sans être décimées par des épidémies meurtrières, comme c’était la règle autrefois.

L’hygiène sociale s’appuie sur les bases scientifiques de la médecine. On sait la façon dont se propagent les grands fléaux sociaux, les causes de l’insalubrité, le rôle des taudis, de l’encombrement, de l’obscurité, de l’ignorance et de la misère, on connaît la pollution des eaux, du lait, etc., et les falsifications alimentaires. Mais on n’y remédie pas toujours, car, dans une société mercantile, les intérêts particuliers sont souvent plus respectables et plus puissants que la santé publique.

Le progrès de la médecine continuera. Nous n’avons aucune idée des moyens d’investigation dont nos successeurs disposeront. Il y a quarante ans, personne n’aurait pu se douter de la découverte des rayons X et des nouveaux moyens qu’ils allaient donner. L’outillage dont se serviront les médecins de l’avenir sera de plus en plus compliqué. Le praticien ne pourra plus exercer isolément, il sera obligé de donner ses consultations dans une maison de santé de quartier. La naissance et la mort ne se passeront plus dans les domiciles particuliers. Les malades seront traités dans des cliniques pourvues des derniers perfectionnements.

Le machinisme médical coûtera cher. Il sera impossible au jeune médecin de s’installer en pleine indépendance. En dehors des hôpitaux de l’Assistance publique, où les malades sont considérés comme des indigents, et couchés dans la promiscuité des salles communes, à qui appartiendra la maison de soins ? Aux caisses, créées par les Assurances sociales, où les médecins seront des fonctionnaires obéissants et salariés ? À des médecins riches, comme certains chirurgiens, ayant sous leurs ordres une équipe de praticiens spécialisés ? À des entreprises financières et capitalistes, où les médecins seront traités comme des employés ?

Au point de vue social, la meilleure solution serait

sans doute que les médecins qui sont des producteurs de soins, fussent organisés librement en coopératives de production, comprenant praticiens et spécialistes. Les maisons de santé seraient édifiées par les coopératives de consommateurs (les consommateurs de soins) ; elles seraient pourvues de laboratoires et de l’outillage moderne. Mais la direction technique appartiendrait en toute indépendance à la coopérative médicale.

Ce problème s’apparente à celui de l’avenir des techniciens en général dans la société capitaliste. Sa résolution aura non seulement un effet social, mais aussi une répercussion sur le développement de la technique elle-même, suivant que celle-ci sera libre ou asservie. ‒ Docteur M. Pierrot.


MÉDIÉVAL. — Voir Moyen âge.


MÉDISANCE n. f. (de médire). Au sens général, médire c’est mal parler d’autrui, c’est révéler ses vices ou ses fautes, colporter des histoires désobligeantes à son sujet, soit par sottise, soit dans l’intention de lui nuire. En un sens plus restreint, la médisance est quelquefois opposée à la calomnie, cette dernière étant synonyme d’accusation fausse, alors que la première consiste dans une accusation malveillante mais vraie. Aussi les moralistes chrétiens, qui se plaisent à dresser une hiérarchie compliquée, aussi bien des fautes que des mérites, placent-ils la médisance moins bas que la calomnie, dans le catalogue des péchés. Du moins lorsque les intérêts de la sainte Église ne sont pas en jeu, car lorsque les prêtres en peuvent tirer bénéfice les plus abominables inventions deviennent méritoires. Les dévotes le savent, d’où leurs mensonges hypocrites, leurs perfidies sans nom à l’égard des incroyants. Médire et calomnier découlent, en réalité, d’une même tendance, celle qui porte chacun à mordre à belles dents le voisin, même s’il n’est ni concurrent, ni adversaire. Louer son talent, ses mérites ? Vous n’y songez pas ; de telles conversations seraient puissamment somnifères. Détailler ses défauts, voilà, par contre, qui réjouira même ses prétendus amis. « Le besoin de médire semble vital chez beaucoup. Telle vieille, qui espionne le prochain des journées entières en égrenant son chapelet, oubliera le dîner pour les commérages. Heureux si elle s’arrête à la lisière des lettres anonymes qui préviennent charitablement le fiancé des frasques de la promise ou l’épousée des infidélités du mari. Et cette blonde qui trottine avec sa compagne, zélatrice comme elle des filles de la Vierge-Mère, ne croyez pas qu’elle s’entretienne du dernier sermon. Elle déshabille en pensée les prétendants à sa main, et ses lèvres énumèrent la litanie de leurs défauts : le nez trop long déplaît chez l’un, l’autre a la maigreur du héron, un troisième serait passable s’il était moins gros, sans parler du bellâtre dépourvu de cerveau, de l’intellectuel fagoté d’inénarrable façon ou du gringalet dont l’esprit ne supplée pas l’absence de mollets. Critique toute de surface, où nuance des cravates, coupe du veston, timbre de la voix, élégance du maintien prennent une importance capitale. Comme le fin politique ou le vieil académicien, notre ingénue saisit de préférence les travers. Cette universelle malveillance expliquera, plus tard, l’incessant va-et-vient du personnel, madame réclamant de ses domestiques une perfection qu’elle même ne possède point. » Les ordres religieux ont organisé la médisance d’une façon systématique. « Dans les couvents catholiques, moines ou nonnes se font une guerre au canif, très édifiante quand on la connaît. Espionnage et délation mutuels s’y transforment en devoirs primordiaux ; chacun épie intentions et murmures du voisin, pour l’avertir des fautes commises ou, mieux, le dénoncer aux supérieurs. On dit les femmes particulièrement expertes dans l’art d’admonester leurs compagnes ; la cha-