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draient que l’on se montrât moins sévère à l’égard des fraudeurs pris en flagrant délit. « Je ne comprends pas, écrit F. Niard que l’on rejette, sans rémission, des médiums qui semblaient avoir réellement une valeur parce qu’on les a pris en flagrant délit de fraude. L’expérience m’a appris que tout médium à effet physique fraude, quel que soit le monde auquel il appartient, quelle que soit sa valeur morale et intellectuelle – et il fraude d’autant plus que le milieu où il opère le soupçonne, croit à la fraude. – La suggestion joue un rôle indéniable dans l’obtention du phénomène. Or, que sont devenus par exemple des médiums tels que Carancini, et plus récemment Erto ?… En rejetant à tout jamais des médiums tels que Erto, les savants métapsychistes agissent comme les professeurs de Sorbonne qui ont examiné Eva et Guzik. Ils ont cru à la fraude et s’en sont désintéressés totalement. Pourtant, Eva et Guzik étaient indéniablement des médiums et l’ont prouvé dans d’autres milieux. Les médiums sont trop précieux et trop rares pour ne pas essayer de tirer parti de ceux que nous avons découverts ; même si beaucoup de scories se mêlent au pur métal. » Soyons donc indulgents pour ces pauvres médiums, ne les contrôlons pas de trop près, si nous voulons éviter les fraudes, et gardons-nous de les enlever au milieu où ils procèdent en toute liberté, pour les transplanter dans un laboratoire ou une salle de société savante ! Price écrit, à propos du médium Léonore Zugün : « Les phénomènes de télékinésie, dont nous fûmes témoins au Laboratoire National, n’étaient pas si importants que ceux que nous pûmes contempler à Vienne. Il en fut exactement de même avec Willy Schneider. Dans son pays, il fournit des phénomènes magnifiques ; à Londres, les phénomènes étaient plus faibles. Je ne puis imaginer autre chose, sinon qu’il se produit un changement psychologique de ces médiums exotiques, lorsqu’ils quittent leur pays. Il est possible que le fait d’être éloignés de leurs foyers – séparés de leurs amis et parents – ou l’étrangeté du nouvel entourage puisse avoir une certaine influence qui cause l’inhibition du phénomène. » Le Dr Osty a fait des constatations identiques ; même dans le laboratoire de l’Institut Métapsychique de Paris, où le candide et somnolent professeur Richet signe à son réveil toutes les relations qu’on lui présente, d’excellents médiums perdent une bonne partie de leurs moyens. Avant eux, Alex Aksakof avait déjà déclaré, dans Animisme et Spiritisme, que la condition essentielle pour obtenir de bons résultats médiumniques c’est « un milieu approprié », que « tout dépend du milieu ». Or, si l’on observe que la salle où apparaissent les fantômes doit être plongée dans une obscurité totale ou tout au plus éclairée par une faible lueur rouge, reconnaissons que les fraudes deviennent étrangement faciles, quand le médium est entouré de parents et d’amis, disposés par avance à jouer le rôle d’esprits désincarnés. Aussi, que de supercheries grossières apparurent, des que des assistants moins crédules s’avisèrent de contrôler ! C’est la fameuse Albertine, attachée avant l’expérience dans un sac plombé, qu’un homme résolu empoigne, croyant saisir l’apparition ectoplasmique. Sortie du sac, malgré des précautions qu’on croyait sérieuses, Albertine glissait comme une ombre authentique, avec une moustiquaire sur la tête. Un autre médium, qui défrayait depuis longtemps les chroniques métapsychiques, cachait tout simplement une bande de gaze qui, dépliée avec adresse, passait pour un ruban ectoplasmique. Gardée dans son jardin secret, la gaze, par hasard, tomba en plein jour ; ce fut la fin d’une carrière déjà brillante. Feuilles de papier, ampoules électriques, pierres à briquet, maniées avec dextérité et discrétion, suffirent à bien d’autres pour s’extérioriser ; elle serait d’une longueur impres-

sionnante la liste des médiums qui virent, après une impunité parfois longue, leurs trucs dévoilés. N’oublions pas celui-là, dont les mains étaient tenues par deux assistants, dans une salle obscure, et qui parvenait, l’habile homme, à dégager subrepticement sa main de l’étreinte d’un contrôleur pour lui donner à tenir celle du contrôleur voisin. On pense s’il se permettait de spirituels attouchements sur les joues et le menton des messieurs à portée de son bras. Une illumination inattendue de la salle mit en évidence les facéties de cet évocateur des esprits. L’affaire de Mantes est de fraîche date ; et l’on ne peut avoir oublié combien de pauvres dupes sur la foi de photographies transcendantales, se crurent environnés de trépassés, qui n’étaient que des mannequins adéquatement costumés.

Quant aux appareils construits pour déceler le fluide vital, aux déviations d’un pendule ou d’une aiguille, on a démontré de façon péremptoire que ces derniers se produisent grâce à l’électrification du verre qui les environne. Prenez une ampoule électrique dans les mains et frictionnez-la vigoureusement, elle apparaîtra bientôt lumineuse, si l’on se tient dans une pièce obscure ; d’une luminosité dont l’intensité dépendra du vide plus ou moins complet de l’intérieur. Effet du fluide, déclaraient les amateurs de merveilleux. Hélas ! on prouve aujourd’hui qu’il s’agit là d’un simple phénomène d’électricité statique. L’attraction par le doigt d’un léger pendule, placé dans un tube de verre (fait d’action à distance ou de télékinésie selon les métapsychistes), résulte de même d’une électrisation ; un chercheur consciencieux, Mondeil, l’a établi de façon définitive. Même constatation touchant l’aiguille d’appareils qui décelaient, disait-on, la présence du fluide vital : « Le frottement du verre qui entoure cette aiguille – ou comme je l’ai dit ailleurs, sa manipulation répétée à main sèche – écrit Mondeil, suffit à déterminer par induction, les déviations considérées. Cela d’autant plus facilement que le système est plus sensible. La chaleur, toutefois, ajoute à l’électrisation et peut la compléter lorsqu’elle est résiduelle. La complexité de l’équipage intérieur ne change rien au processus. » On conçoit dès lors la demande de nombreux savants qui, pour prendre au sérieux les phénomènes métapsychiques, voudraient que l’on allumât les lampes, dans la salle où ils se produisent, que l’on vît et que l’on touchât même et surtout lorsqu’il s’agit d’ectoplasme et d’apparitions de défunts.

Mais longtemps une crédulité béate permit d’écouter, comme vérités certaines, des divagations insensées. S’il s’agissait de faits survenus dans des régions lointaines, où tout contrôle était impossible, le merveilleux prenait des proportions fantastiques. Sur les fakirs en particulier, que n’a-t-on pas dit ! Rappelons quelques-uns des prestiges rapportés par des voyageurs. « Le fakir, raconte le docteur Hentsold, prit un large plat de terre, y versa quatre à cinq litres d’eau et le tint d’aplomb sur sa main gauche, tandis que l’autre main était élevée à la hauteur de son front. Tout à coup, le plat diminua de volume à vue d’œil et devint de plus en plus petit, si bien qu’on ne pouvait plus l’apercevoir qu’au moyen d’un verre grossissant. Enfin il disparut complètement. Il fallut, pour opérer cette étonnante diminution de volume et cette disparition totale, environ une minute et demie. Nous allions nous retirer, croyant la séance terminée, lorsque soudain, nous vîmes apparaître un petit point noir, pas plus gros qu’un grain de sable, ce point noir grandir sans qu’on puisse dire comment cela pouvait se faire, et en moins d’une autre minute, le plat de tout à l’heure, d’un pied de diamètre, rempli d’eau jusqu’au bord et du poids d’au moins quinze livres, reparut à nos yeux. » Hentsoldt assista, un autre jour, au miracle de la corde suspendue en l’air : « Le yogi prit une corde de quelques pieds