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PRÉFACE. iij

Ce n’est pas non plus simplement une nouvelle Édition plus ample du Dictionaire Gramatical : c’est un Ouvrage tout diférent. Ce qui fait le principal du premier n’est qu’un faible accessoire du Second. Celui-là n’est, dans le fonds, qu’une Gramaire Alphabétique, plus complète, à la vérité, et mise dans un arrangement plus comode pour ceux, qui veulent consulter. Celui-ci est un vrai Dictionaire Critique, où la Langue est complètement analysée. C’est un Comentaire suivi de tous les mots, qui sont susceptibles de quelque observation ; un Recueuil, qui laisse peu à desirer ; des Remarques, qui peûvent éclaircir les doutes et lever les dificultés, que font naître tous les jours les bizârres irrégularités de l’Usage. C’est la Critique des Auteurs et l’examen, la comparaison, critique aussi, des divers Dictionaires. Nous ôsons croire qu’il réunit les avantages de tous, et qu’il y ajoute des utilités, qui ne se troûvent dans aucun. = Le Dictionaire de Trévoux et le Vocabulaire François ont plutôt pour objet la Nomenclatûre des Arts et des Sciences, commune à toutes les Langues, que les Règles de la Langue Française en particulier. Du moins, elles n’en sont pas l’objet principal, et l’on ne s’y est pas étudié à en discuter fort au long les principes. = L’Académie, dans son Dictionaire, s’est abstenûe de toute critique ; et elle a presque toujours renvoyé aux Gramaires le détail des instructions. Comme Juge Souverain, elle prononce ses Arrêts, sans en énoncer les motifs : et ces arrêts sont les exemples qu’elle done, ou le silence qu’elle garde. Par les uns, elle avertit de ce qui est bon : par l’aûtre, elle semble indiquer ce qui ne vaut rien. Elle a eu de bones raisons pour préférer cette méthode, et il ne nous apartient pas de les aprofondir. Après les services si importans, qu’elle a rendus et qu’elle rend encôre aux Lètres et à la Langue, ce serait être bien ingrat que de les méconaître, sous prétexte d’en exiger de plus grands, auxquels peut-être même sa dignité et sa prudence s’opôsent. Mais, outre que cette méthode est peu satisfaisante pour les Savans, elle est assez peu utile à ceux, qui ne le sont pas, parce qu’elle supôse une parfaite conaissance de la Gramaire, précédemment aquise. = Le Dictionaire de Richelet ne peut qu’égarer ceux, qui le prendraient aujourd’hui pour guide. Le Richelet Portatif, quoique rédigé avec beaucoup de soin et de goût, n’est qu’un abrégé trop court et trop concis, pour satisfaire les vœux et les besoins de ceux, qui veulent bien parler et bien écrire en français.

Nous avons donc travaillé à réunir les avantages de ces diférens Dictionaires et à y en joindre de nouveaux, que du moins du côté de l’utilité, nous croyons fort supérieurs. Les aûtres n’instruisent guère que par des définitions et par des exemples, et par quelques remarques assez rares : nous ajoutons à ces instructions, celles d’un nombre immense de remarques et d’observations. Ceux, qui ont puisé les exemples dans les Auteurs, nous aprènent ce qui a été dit. L’Académie, qui ne cite persone, qui propôse des exemples de son chef, et décide d’autorité, veut nous aprendre ce qu’on doit dire, mais ne nous enseigne pas pourquoi on doit le dire. Nous, aidés des aûtres Gramairiens, des aûtres Critiques et des aûtres Dictionaires, nous examinons ce qui a été dit ; nous proposons ce qu’on doit dire ; nous relevons ce qui a été mal dit, et nous aprenons à le mieux dire.

Pour cela, nous considérons chaque mot relativement et à ce qu’il a de matériel, comme composé de sons et de caractères ; et à ce qu’il ofre de spirituel (qu’on nous permette ici l’emploi détourné de ce terme) dans l’idée qu’il réveille dans l’esprit et dans la manière dont il l’énonce par le langage. L’Ortographe et la Prononciation ont raport au premier chef. Les Définitions des mots, les diverses Acceptions, dans lesquelles on les emploie ; leurs Régimes, leurs Synonymes, les divers Styles, où certains mots sont employés, ont raport au second chef. La Construction des mots dans la phrâse tient à l’un et à l’aûtre. On en peut dire autant des barbarismes, néologismes, gasconismes, angli-


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