Page:Ferry - Discours et opinions, tome 1.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maître, et cela sans aucun inconvénient pour la morale, – il faut le dire à l’honneur de cette race américaine que nous traitons parfois de si haut, que nous jugeons de loin un peu sauvage. En France, on a considéré comme un grand progrès de supprimer les écoles mixtes. En Amérique, la femme est tellement respectée qu’elle peut aller seule de Saint-Louis à New-York sans courir le risque d’une offense, tandis que chez nous une mère ne laisserait pas aller sa fille de la Bastille à la Madeleine avec la même confiance. (Rires.)

Dans ces écoles dont je vous parlais tout à l’heure, 12 ou 1500 jeunes gens des deux sexes se livrent aux mêmes études ; heureux sujet de comparaison : M. Hippeau l’a faite avec soin, il a voulu tout voir, s’informer de tout ; et, après avoir interrogé les professeurs et les élèves, il déclare qu’il est impossible de reconnaître une différence quelconque entre les aptitudes de la jeune fille et celles du jeune homme ; qu’ils sont égaux en intelligence, qu’il y a des élèves forts et des élèves faibles dans les deux sexes, en proportion égale ; et j’en conclus que l’expérience est faite, et que l’égalité d’éducation n’est pas seulement un droit pour les deux classes, mais aussi pour les deux sexes.

C’est, à mon avis, dans cette limite que le problème posé aujourd’hui, de l’égalité de la femme avec l’homme, devrait être restreint. Procédons par ordre, commençons la réforme par le commencement ; on nous dit qu’il faut donner aux femmes les mêmes droits, les mêmes fonctions ; je n’en sais rien, je n’en veux rien savoir ; je me contente de revendiquer pour elles ce qui est leur droit, ce qu’on veut leur donner aujourd’hui, et le libre concours fera le reste.

Les femmes américaines se montrent du reste très propres à certaines fonctions. M. Hippeau raconte qu’il eut l’honneur d’être présenté à une doctoresse de médecine de Philadelphie, et c’était un excellent médecin, très bien occupé, très bien payé. Il y a 800 femmes médecins en Amérique, 200 000 institutrices, et cela prouve jusqu’à l’évidence que, du moment où les femmes auront droit à une éducation complète, semblable à celle des hommes, leurs facultés se développeront, et l’on s’apercevra qu’elles les ont égales à celles des hommes. (Applaudissements.)

Mon Dieu, mesdames, si je réclame cette égalité, c’est bien