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VIE D’ÉRASME.

honte. Il eût souri des débats engagés entre Gouda et Rotterdam sur la question de savoir si un enfant conçu dans une ville et né dans une autre appartient à la première ou à la seconde[1]. Il est même fort douteux, malgré la prétendue affirmation de plusieurs magistrats de Gouda, qu’il ait jamais témoigné un sérieux regret de ne s’être pas qualifié citoyen de Gouda plutôt que de Rotterdam. Lui-même prend plaisir à décourager ceux qui veulent lui assigner une nationalité précise : « Je ne suis pas encore bien assuré que je sois Batave, écrit-il en 1520 ; que je sois Hollandais, je le veux bien, mais encore je suis né dans cette partie de la Hollande qui se rapproche plus de la France que de l’Allemagne[2] ; » et une autre fois : « Je n’assure pas que je suis Français, je ne le nie pas non plus. » Ce qui est vrai, c’est qu’Érasme avait pris des anciens cette idée que le monde ne forme qu’une cité. Il refusa le titre de citoyen que lui offrit une ville d’Allemagne, ajoutant que les initiés au culte des Muses sont tous de la même patrie[3].

Son premier nom, selon la coutume en usage dans les Pays-Bas et empruntée de l’antiquité, avait été Gérard fils de Gérard. Comme ce nom dans l’idiome hollandais a quelque rapport avec le mot desiderare, Érasme prit plus tard le prénom de Desiderius, c’est-à-dire Didier, et y

  1. Un Bernard Coster, dans une dissertation savante, appuya la prétention de Gouda sur plusieurs textes de droit et témoignages de jurisconsultes. Entre autres arguments, il cite l’inscription de la croix de N.-S., où le Christ est dit de Nazareth, ville de Galilée, bien qu’il fût né à Bethléem. On peut lire cette dissertation dans l’ouvrage intitulé : Th. J. ab Almeloveen Amænitates theologico-philologicæ. In-8o, Amst., 1697.
  2. Ép. 533. — Nous renvoyons, pour tous les textes cités dans cet ouvrage, à l’édition comidète des œuvres d’Érasme publiée à Leyde de 1703 à 1706, 10 vol. in-fo.
  3. Ép. 393, 650.