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VIE D’ÉRASME.

vie[1]. Tout au plus pourrait-on croire à cette affinité mystérieuse, déjà relevée par Buffon, entre les mères et les fils, mais qui ne saurait devenir un principe de critique littéraire.

La mort de Gérard, qui suivit de près celle de Marguerite, livra Érasme à des tuteurs avides de son bien. Ceux-ci renvoyèrent vers 1480 avec son frère à Herzogenbusch (Bois-le-Duc), dans une communauté de moines dont tous les efforts tendaient à inspirer à leurs élèves, de gré ou de force, le goût de la vie religieuse. C’est à cette époque qu’il faut sans doute rapporter l’influence décisive qui fit d’Érasme dans la suite le redoutable ennemi des moines. Cette lutte contre les obsessions de ses tuteurs, contre les flatteries ou les menaces des moines d’Herzogenbusch et bientôt après de Stein, ne pouvait qu’aigrir une âme faible et ardente. Bien des années après, dans une lettre écrite à Lambert Grunnius, scribe apostolique, et qui devait être lue à Léon X[2], Érasme racontait, avec toute la vivacité d’une colère qui ne s’était pas encore calmée, les intrigues dont on l’avait entouré et comme enlacé. Il accuse les moines d’Herzogenbusch qui, dit-il, « trouvent moyen de poser leur nid partout, » de ne faire de l’éducation qu’un vil trafic, de pousser les enfants dans la vie monastique, en troublant, au besoin, leur esprit par des sortilèges et des exorcismes. Érasme passe trois années dans cette école, et revient à Ter-Gouw auprès de ses tuteurs irrités d’une résistance aussi décidée. Alors commence un siège en règle. On attaque son âme « à coups de bélier. » On lui détache toutes sortes de personnes, « moines, demi-

  1. Leben des Erasmus (1828), p. 113.
  2. App. Ép. 442.