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Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/66

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Depuis l’aveu qu’il avait fait de ses fiançailles, ce n’était plus le même homme. Il n’appartenait plus au monde réel, et on voyait clairement que les questions qu’on lui posait passaient son entendement.

Si je lui avais parlé de mes ennuis, je me figure qu’il les aurait jugés sans importance. Il aurait ri, de ce rire nouveau qui partait d’une âme heureuse, et j’eusse entendu :

— Envoie promener ce garçon ! Papa n’en aura aucun ennui ! Tu penses bien qu’on ne peut pas faire sauter le pont du Gard comme un fétu de paille.

Cette réponse ne m’eut certainement pas satisfaite. J’aurais riposté qu’il manquait de réflexion, mais pouvais-je exiger qu’il interrompît son rêve pour s’occuper de moi ?

Je connaissais les menaces de l’oncle et du neveu. Elles n’étaient pas un mythe, puisque papa nous les avait révélées. De plus, j’avais vu les yeux de mon prétendant, dans lesquels une lueur méchante s’allumait à tout moment. Sa voix sèche et impitoyable résonnait encore à mes oreilles, et je pressentais que les paroles de ces deux hommes n’étaient pas vaines.

Ils avaient besoin d’enlever des affaires, d’étayer leur ambition, de parvenir à un degré supérieur de la hiérarchie sociale, et ils avaient comploté que l’appui de papa leur serait acquis si le neveu devenait son gendre.

Je devinais le plan, mais l’exposer à Léo en ce moment était inutile.

À Mlle Clarseil je ne pouvais rien confier parce qu’elle m’aimait bien et qu’elle frémirait à la pensée de me savoir malheureuse. Elle