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quelque temps sous l’horizon, lorsque Sophie se leva, rafraîchie par un léger sommeil qu’elle ne dut qu’à l’excès de la fatigue. Il est bien vrai, qu’en partant d’Upton, elle avoit dit à Honora, et s’étoit peut-être dit à elle-même, qu’elle jouissoit d’une tranquillité parfaite. On ne peut douter pourtant qu’elle n’eût l’esprit un peu atteint de cette maladie qu’accompagne toujours une vive agitation, et qui probablement ne diffère point de celle que les médecins entendent (s’ils ont quelque entendement), par fièvre morale.

Mistress Fitz-Patrick se leva en même temps que sa cousine, appela sa femme de chambre, et s’habilla sur-le-champ. C’étoit véritablement une fort jolie femme. Elle auroit passé pour belle, partout ailleurs qu’à côté de Sophie ; mais lorsque Honora, à qui sa maîtresse avoit défendu de l’éveiller, fut entrée chez elle, de son propre mouvement, et qu’elle l’eut parée, les charmes de l’Irlandoise qui, semblables à l’étoile du matin, avoient précédé le lever du soleil, s’éclipsèrent devant l’éclatante beauté de sa cousine.

Jamais Sophie n’avoit paru si brillante : en sorte que la servante d’auberge put dire, sans hyperbole, en descendant de chez les voyageuses, où elle avoit été allumer du feu, qu’il ne falloit plus douter de l’apparition des anges, puisqu’elle venoit d’en voir un dans la chambre d’en haut.