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parler de mon mariage. Cependant, comme il est probable que les circonstances vous en auront été présentées sous un faux jour, je remonterai à l’époque où j’eus le malheur de rencontrer à Bath l’homme qui, depuis, est devenu mon mari. C’étoit peu de temps après que vous eûtes quitté ma tante, pour retourner chez votre père.

« M. Fitz-Patrick se faisoit remarquer parmi les jeunes agréables qui se trouvoient à Bath. Il étoit beau, bien fait, très-galant, plus recherché que personne dans sa parure. Si vous aviez le malheur de le voir maintenant, vous ne le reconnoîtriez point à ce portrait. Je ne puis mieux vous le peindre, qu’en vous disant qu’il est aujourd’hui tout le contraire de ce qu’il étoit autrefois. Dans un long séjour à la campagne, il a contracté les manières les plus rudes, les plus grossières, en un mot, ma chère, il est devenu un vrai sauvage irlandois… Mais pour continuer mon histoire, les qualités qu’il possédoit alors le recommandoient si bien, que malgré le préjugé qui excluoit de la société des gens de qualité les personnes d’une classe inférieure, il trouva le secret de s’y introduire. Ce n’étoit pas, au reste, une chose facile que d’éviter sa compagnie ; il se contentoit d’une légère invitation, souvent même il s’en passoit. Sa bonne mine, sa galanterie, lui concilioient la faveur des femmes,