Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/126

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qu’elles aiment ; et puis, permettez-moi de vous le dire, il faut avoir, dans la jeunesse, une pénétration extraordinaire, pour découvrir un sot sous le vernis de la galanterie et du bon ton.

« Une fois que je méprisai mon mari, sa compagnie, vous le jugez bien, ne dut m’inspirer que du dégoût. Par bonheur, j’en étois rarement importunée. Depuis son arrivée, M. Fitz-Patrick avoit meublé son château avec élégance, rempli sa cave de bons vins, acheté un grand nombre de chiens et de chevaux. Comme il aimoit à recevoir noblement ses voisins, ils accouroient chez lui de toutes parts. La chasse et la table consumoient une si grande partie de son temps, qu’il lui en restoit peu pour me voir, ou plutôt pour me faire enrager.

« Mais lors même que j’étois délivrée du fardeau de sa présence, incapable de charmer mes ennuis par de flatteuses illusions, je tombois dans une mélancolie profonde. Mes tristes pensées ne me laissoient aucun repos, aucun espoir de soulagement. J’en étois obsédée jour et nuit. Dans cette position, je fus mise à une épreuve dont on ne sauroit peindre, ni concevoir l’horreur. Figurez-vous, ma chère, si vous le pouvez, ce que j’eus à souffrir. Je devins mère ; et ce titre si doux, je le devois à un homme que je méprisois, que je détestois, que j’abhorrois. Avec cette haine