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sentir vivement le malheur général qui affligeoit son pays, fut si aise de n’avoir plus à craindre d’être rattrapée par son père, que le débarquement des François fit à peine une légère impression sur son esprit. Elle gronda doucement Honora de l’avoir effrayée, et lui dit qu’elle étoit charmée qu’il ne fût rien arrivé de pis ; car elle avoit eu une tout autre peur.

« Oui, oui, reprit l’hôte en souriant, milady est mieux instruite que nous. Elle sait que les François sont nos meilleurs amis, et qu’ils ne viennent ici que pour notre bien. C’est par eux que doit refleurir la vieille Angleterre. Milady a cru, je gage, que le duc alloit arriver ; et c’étoit là ce qui causoit son effroi. Il n’en est rien, Dieu merci. Tout au contraire sa Majesté, le brave prince Édouard (que le ciel le protége !) a trompé le duc. Il marche à grandes journées vers Londres, et dix mille François débarqués sur nos côtes vont le joindre en chemin. »

Sophie ne fut pas plus contente de cette nouvelle, que de celui qui la contoit. Cependant, s’imaginant toujours que l’hôte la connoissoit (car elle ne pouvoit soupçonner sa méprise), elle n’osa lui montrer le déplaisir qu’elle éprouvoit.

L’hôte, après avoir desservi, se retira, en la priant à plusieurs reprises de vouloir bien ne pas l’oublier.